Maîtrise foncière et Paysans de nature®
Groupe de barges se nourrissant dans une prairie inondée au printemps. © Rémi Bontemps

Maîtrise foncière et Paysans de nature®

Maîtriser le foncier, un outil de protection de la nature déjà ancien et pérenne, nécessaire, mais pas toujours suffisant…

© Benoît Perrotin

La LPO achète du foncier en Vendée depuis plus de 30 ans, car elle considère que c’est un outil pérenne de protection de la nature, le propriétaire d’un terrain étant en capacité d’influer sur la gestion de celui-ci, par l’outil des baux ruraux à clauses environnementales.

En Vendée, plus de 350 ha de prairies de marais ont été achetées entre 1990 et 2000, et depuis 2008 la LPO Vendée a relancé la dynamique d’achat de foncier, notamment en zone humide, permettant d’aboutir à presque 700 hectares fin 2019 (Marais breton et Marais poitevin), dont plus de 600 dans des secteurs occupés par la Barge à queue noire ou très proches.

Jusqu’au début des années 2010, la gestion des terrains de la LPO en Vendée était confiée à des éleveurs déjà en place, au moyen de baux ruraux à clauses environnementales, de fermages réduits au montant des charges foncières et la possibilité de contractualiser des Mesures Agro-Environnementales (MAE).

La maîtrise foncière et les MAE ont été utiles mais parfois insuffisantes pour enrayer le déclin de la biodiversité.

Penser global, agir local… ou un nouvel outil de création d’espaces protégés : le projet Paysans de nature

Quelques constats pour comprendre l’origine d’un nouvel outil au service de la protection de la nature :

Ce nouvel outil de restauration et de protection des milieux naturels est la recherche, la formation et l’installation de nouveaux agriculteurs (parfois naturalistes), sur des terrains privés, appartenant à des organisations environnementales ou des collectivités, pour qui la protection de la biodiversité est une préoccupation aussi importante que la production. Ces Paysans de nature pratiquent une agriculture extensive, biologique, Nature&Progrès ou très proche des valeurs de l’agriculture biologique, mais s’interrogent en plus sur la place qu’ils peuvent laisser à la nature sauvage dans leurs fermes (y compris celle « qui ne sert à rien »). Ils vendent très souvent leurs produits en direct, créant de l’emploi et du lien avec les habitants du territoire.

© Rémi Bontemps
© Rémi Bontemps

Ceci s’accompagne d’une implication citoyenne importante, par plusieurs biais (sorties nature dans les fermes, réseaux de consommateurs, aide financière à l’installation…), qui permet de réconcilier une part de la société avec la biodiversité.

Ceci permet de tisser des liens avec d’autres acteurs de l’agriculture durable, de la protection de la nature (Terre de Liens, groupements d’agriculteurs, réseaux de consommateurs, associations locales de protection de l’environnement…), des collectivités, qui s’y retrouvent dans la dimension économique locale, mais aussi des financeurs privés séduits par cette démarche citoyenne (fondations).

Les acteurs agricoles, les réseaux de consommateurs, les élus et les entreprises privées sont particulièrement sensibles aux notions de relocalisation de l’économie et d’augmentation de la valeur ajoutée des produits agricoles, dans le contexte défavorable des filières d’élevage.

L’intervention de la LPO Vendée consiste, au-delà de la maîtrise foncière, à travailler avec ces paysans dans la prise en compte de la biodiversité (suivis biologiques, accueil du public pour des sorties naturalistes par exemple) et dans la recherche de futurs candidats à l’installation, afin qu’ils deviennent de véritables conservateurs bénévoles d’une nouvelle forme de réserves naturelles, et qu’ils soient des ambassadeurs de la protection de la nature (en savoir plus sur le projet et l’association Paysans de nature et voir la page Facebook). Un ouvrage sur le sujet a été publié en septembre 2018 aux éditions Delachaux et Niestlé, dont on peut consulter des extraits.

Il s’agit ainsi d’assurer la préservation de territoires à très long terme, à moindre coût de gestion, car ces nouveaux paysans de nature sont convaincus, ancreront leurs actions dans la durée, en seront fiers, et constitueront des cas d’école pour les paysans de demain et même leurs voisins actuels. C’est en définitive un outil permettant d’agir rapidement à des échelles spatiales intéressantes, et qui sort de la logique du « sauvetage ».

La démarche est innovante dans la mesure où, pour la première fois depuis la loi de 1976, il s’agit d’utiliser l’agriculture comme un outil de protection de la nature et d’en finir avec les oppositions entre naturalistes et agriculteurs, de réconcilier agriculteurs, naturalistes et citoyens autour d’un même projet.

Et la Barge à queue noire, dans cette histoire ?

En Marais breton, seul territoire français (européen ?) où les effectifs de Barge à queue noire nicheuse sont stables voire en augmentation, l’installation d’une quinzaine de Paysans de nature ou proches de ces valeurs a contribué à ce bon état de santé. En effet, ces éleveurs, qui ont investi progressivement depuis 15 ans le sud du territoire occupé par les barges, ont converti des zones cultivées en prairie ont remis de l’eau au printemps dans des prairies qui n’avaient plus rien d’humide (parfois au détriment de la production de foin, et souvent au-delà des exigences des cahiers des charges des MAE les plus exigeantes) et mis en place un pâturage extensif et exempt de pesticides.

Résultat : ces sites, autrefois vierges de barges à queue noire, accueillent dorénavant au moins 30 % de la population du Marais breton.

Cette dynamique, combinée aux MAE dont les paysans de nature profitent également, a permis d’étendre rapidement la zone de nidification de la Barge à queue noire et des espèces qui l’accompagnent (Vanneau huppé, Chevalier gambette, Canard souchet…).

Actuellement, au moins 8 fermes partenaires de la LPO Vendée au travers du projet Paysans de nature accueillent de la Barge à queue noire au printemps ou en période de migration pré-nuptiale.

NB : Paysan de nature®  est une association depuis mars 2021, et une marque déposée. Deux chartes décrivent les engagements des paysans du projet Paysans de nature et des associations environnementales qui les accompagnent. La marque et les chartes ne peuvent être utilisées sans autorisation de l’association Paysans de nature, qui prévoit une convention pour les associations désireuses de s’associer au réseau.